Prévention et lutte contre les discours de haine : bientôt un prix pour les professionnels des médias d'Afrique centrale

A l'initiative de l'UNOCA et du CNUDHD-AC, une vingtaine de journalistes, blogueurs et membres de la société civile réunis à Douala ont réaffirmé la nécessité de renforcer la sensibilisation et des actions concrètes en faveur de la cohésion sociale, du vivre-ensemble et de la paix.

2 déc 2023

Prévention et lutte contre les discours de haine : bientôt un prix pour les professionnels des médias d'Afrique centrale

Un prix dédié aux professionnels des médias d'Afrique centrale qui s'engagent dans la création, la production et la publication de contenus combattant les discours de haine et promouvant les discours apaisés sera lancé en 2024. C’est l’une des principales conclusions d’une conférence régionale tenue du 28 au 30 novembre 2023 à Douala (capitale économique du Cameroun) en vue de l’évaluation et du plaidoyer pour un soutien efficace à la stratégie régionale de lutte contre les discours de haine et l’incitation à la haine et à la violence. Organisée par le Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (UNOCA) et le Centre des Nations Unies pour les droits de l’Homme et la démocratie en Afrique centrale (CNUDHD-AC) avec l’appui du gouvernement camerounais, cette rencontre a mobilisé une vingtaine de journalistes, blogueurs et membres de la société civile impliqués dans ce processus depuis plus de deux ans. Le lancement d’un « prix contre la haine » est en effet la traduction dans les faits d’une des principales recommandations d’un Forum régional qu’avait déjà accueilli Douala en octobre 2021, et qui portait sur la sensibilisation et le renforcement des capacités des médias et des organes de régulation de la communication sur la prévention des conflits liés aux discours de haine et la lutte contre ce phénomène en Afrique centrale. 

L’implication des organisations professionnelles 

Dans la Déclaration de Douala adoptée à l’issue des travaux le 30 novembre 2023, les participants soulignent que « ce Prix devrait permettre d’évaluer l'aptitude des professionnels des médias non seulement à maitriser les six principes de Rabat mais aussi à saisir le lien entre la liberté d’expression et les discours de haine, sachant que  ‘’faire face aux discours de haine ne consiste pas à limiter ou à interdire la liberté d’expression, mais à empêcher que ces discours n’en viennent à prendre des proportions plus dangereuses, notamment sous la forme de l’incitation à la discrimination, à l’hostilité et à la violence, ce que le droit international interdit’’ ». Ils expriment le vœu qu’il soit attribué dans le cadre des manifestations marquant la Journée internationale de la lutte contre les discours de haine instituée par la résolution 75/309 du 21 juillet 2021 de l’Assemblée générale de l’ONU et célébrée chaque année le 18 juin. Le CNUDHD-AC a été chargé de travailler en collaboration avec l’UNOCA et l’UNESCO pour en définir les critères. Ce projet sera aussi mis en œuvre en étroite coordination avec toutes les autres parties prenantes, y compris la « Plateforme des organisations des professionnels des médias pour la paix et le développement durable en Afrique centrale » (PROMEDAC) créée en 2021 - dont les membres présents à Douala ont affiché une réelle volonté de redynamisation de cette association œuvrant contre la propagation des discours de haine dans les médias et sur les réseaux sociaux

Le Cameroun a indiqué qu’il « accueille favorablement » l’idée de ce prix. Parlant au nom du Ministre des Relations extérieures, le Ministre plénipotentiaire Simon Pierre Omgba Mbida, Chef d'Antenne protocolaire et consulaire de Douala, a précisé que le gouvernement accordera une attention particulière à toutes les recommandations. Il a promis qu’elles seront portées à la connaissance du Forum régional des Ministres de la Communication et de l’Information d’Afrique centrale prévu du 14 au 15 décembre 2023 à Bangui, en République centrafricaine (RCA). Les enjeux dudit Forum régional ont été résumés par le Responsable de l'Unité de la Communication stratégique et de l'Information publique de l’UNOCA, Norbert N. Ouendji : avant son endossement politique et son adoption effective par les instances compétentes de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC), examiner et pré-valider la « stratégie régionale et le plan d’action pour la prévention et la réponse aux discours de haine et à l’incitation à la violence ». Les discussions porteront notamment sur la version amendée par les Etats membres du Comité consultatif permanent des Nations Unies chargé des questions de sécurité en Afrique centrale (UNSAC) lors d’une rencontre ad hoc à Yaoundé du 5 au 7 juillet 2023. Le Point focal UNSAC au Ministère camerounais des Relations extérieures, Lasconi Moungui Medi,  en a rappelé l'importance et les grandes lignes.

Les participants ont salué le processus ayant contribué à l’élaboration de ladite stratégie. Il ont noté avec satisfaction qu’elle est le fruit des consultations inclusives et participatives organisées dans le cadre des Forums de sensibilisation tenus à Douala, Cameroun (26-29 octobre 2021), à Bangui, République centrafricaine/RCA (26-29 avril 2022), à Kinshasa, République démocratique du Congo/RDC (21-24 juin 2022) et à Yaoundé, Cameroun (5-7 juillet 2023) - avec l’appui de la Commission de la CEEAC, de l’UNOCA, du CNUDHD-AC, du Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’Homme en RDC (BCNUDH), de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique (MINUSCA), du Bureau Afrique centrale de l’UNESCO, du Bureau de l’ONU pour la prévention du génocide et la responsabilité de protéger (OSAPG) et l’OIF. 

Déconstruire urgemment les discours de haine dans la sous-région 

« Notre vœu est de voir [cette] stratégie et son plan d’action passer d’un simple projet à un véritable instrument opérationnel », a plaidé le Ministre plénipotentiaire Simon Pierre Omgba Mbida, réaffirmant la détermination de son pays à assumer et à remplir convenablement le mandat qui lui a été confié dans ce sens par l’UNSAC. Dans son allocution à la clôture des travaux, le Directeur du CNUDHD-AC, Nouhoum Sangare, a réitéré le soutien des Nations Unies aux efforts en cours, expliquant qu’il est « plus que jamais urgent de déconstruire les discours de haine dans la sous-région ». Il a fait observer que les conséquences de ce fléau « peuvent être dévastatrices et conduire à des graves violations des droits de l’homme et du droit humanitaire ». Pour éviter de telles situations dont des détails ont été donnés au cours d’une session spécifique animée par un spécialiste du Centre (Fonyuy Kiven), il a fortement encouragé les professionnels de médias à jouer pleinement leur rôle de prévention et d’éducation des citoyens, facteurs essentiels dans la réponse a ce phénomène. 

Outre le Cameroun, la RCA, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale, Sao Tomé et Principe, et le Tchad étaient représentés à la conférence régionale de Douala. Pour des raisons administratives et logistiques, les autres pays de l’espace CEEAC invités n’ont pas pu y participer (Angola, Burundi, République démocratique du Congo et Rwanda). Le Directeur du CNUDHD-AC a regretté cette situation indépendante de la bonne volonté des organisateurs et de leurs partenaires, avant d’annoncer qu’il y aura « certainement une autre occasion de nous réunir autour de ce même sujet »  - celui relatif à la lutte contre les discours de haine en Afrique centrale.