Cameroun : la problématique des réfugiés au cœur d’une visite de l’UNSAC

La délégation s'est rendue dans des sites abritant des réfugiés centrafricains, notamment dans la région de l'Est. Photo UNOCA/Dana Palade.

20 oct 2022

Cameroun : la problématique des réfugiés au cœur d’une visite de l’UNSAC

Le Bureau du Comité consultatif permanent des Nations Unies chargé des questions de sécurité en Afrique centrale (UNSAC) a effectué, du 9 au 16 octobre 2022, une visite de terrain au Cameroun afin de collecter et d’analyser des informations pertinentes sur la problématique des réfugiés dans la Région de l’Est du pays. La délégation était composée d’une dizaine de personnes, dont des représentants du Cameroun, du Congo, du Gabon, de la République centrafricaine (RCA), du Rwanda, de Sao Tomé-et-Principe, et du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (UNOCA), par ailleurs Secrétariat du Comité.

Ils ont pu constater que les activités de Boko Haram au Nigéria et dans les zones frontalières du Bassin du Lac Tchad, ainsi que les affrontements armés entre les groupes armés Seleka et Anti-Balaka en RCA ont provoqué l’arrivée d’un nombre croissant des réfugiés au Cameroun. Selon les données du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR), ce pays accueille plus de 350 000 réfugiés centrafricains, dont la plupart ont trouvé hospitalité dans la Région voisine de l’Est, à environ 500 kilomètres de Yaoundé, la capitale. La délégation de l’UNSAC a visité les sites de Lolo et Mbilé, dans le département de Kadey (arrondissement de Kentzou), abritant chacun environ 11 000 réfugiés centrafricains. Ils ont la particularité d’avoir une population composée majoritairement des jeunes, femmes et personnes âgées. Quant au site de Gado-Badzéré, situé dans le département du Lom-et-Djérem (arrondissement de Garoua-Boulaï), il en compte à présent 27 416. Malgré des ressources en baisse, plusieurs partenaires tels que HCR, l’Agence de Développement Économique et Social (ADES), International Medical Corps (IMC), Plan International ou Africa Humanitarian Action (AHA) continuent de déployer des efforts, en soutien à ceux du Cameroun, pour garantir des conditions d’accueil et de vie appropriées aux uns et aux autres.

Engagés pour l’accompagnement des refugiés

« Nous avons reçu des témoignages forts qui confirment que le Cameroun a toujours ouvert ses portes aux réfugiés.  Ces derniers ont affirmé, pendant nos échanges, que le Cameroun est une terre d’accueil et de fraternité pour eux », a souligné Leocadie Nahishakiye, Conseillère politique à l’UNOCA.

En effet, ce pays est considéré par plusieurs observateurs et partenaires au développement comme un modèle d'accueil de réfugiés et de déplacés. Conformément aux lois en vigueur, ils ont les mêmes droits que les ressortissants. Ils bénéficient aussi de la même protection et des facilités d’accès aux services de base tels que les soins médicaux ou l’éducation des enfants et des jeunes.

Au total, la dimension humaine qui structure la politique camerounaise en matière de gestion des réfugiés est très appréciée par les différentes parties prenantes, même si leur grand nombre pose parfois des difficultés importantes pour l’encadrement de ces populations vulnérables. Ces difficultés sont liées, entre autres, aux pressions dues aux ressources limitées (terres cultivables, eau, services sociaux, etc.).  La délégation de l’UNSAC a touché du doigt les réalités du terrain et compris davantage le rôle primordial ainsi que le travail immense des autorités locales, des acteurs humanitaires et des leaders religieux (chrétiens et musulmans), dans l’accompagnement des réfugiés.

Pour une autonomisation des réfugiés

« Les autorités ont fait des efforts pour apaiser les tensions entre les populations hôtes et les réfugiés », a précisé Mme Nahishakiye. « Le Gouvernement a proposé aux organisations humanitaires une grille de répartition dans la distribution de l’aide, qui prend en compte les deux groupes. Ainsi, 70% de l’assistance humanitaire est destinée aux réfugiés et 30% aux populations hôtes. »

La délégation de l’UNSAC a identifié des aspects qui favorisent l’autonomisation des réfugiés ainsi que leur coexistence harmonieuse et pacifique avec les communautés d’accueil. Parmi ceux-ci, il y a la réalisation des projets d’autonomisation avec une approche mixte, le renforcement des capacités des autorités et des leaders en protection, le renforcement des messages de cohésion sociale et la mise en place des centres d’écoute et des forums de paix.

Cependant, en plus de la réduction du budget face aux besoins énormes des réfugiés, plusieurs préoccupations majeures demeurent, telles que les taux de chômage et de sous-emploi élevés, le besoin de renforcer les mécanismes de gestion communautaire des conflits dans les sites et en dehors, la mobilisation communautaire, et le faible financement d’activités génératrices de revenus et du rapatriement.

Encadrement des réfugiés : faire de l’UNSAC un mécanisme de coordination régional

À la suite des riches échanges avec les autorités camerounaises, les partenaires et les réfugiés, la délégation de l’UNSAC a formulé plusieurs recommandations qui pourraient avoir un impact positif dans la vie des populations concernées et augmenter la stabilité et la paix dans la sous-région. Un premier volet serait le plaidoyer en faveur du rétablissement de la paix durable et la stabilité en RCA, pour favoriser le retour volontaire des réfugiés. En même temps, elle encourage les partenaires à renforcer l’appui aux Gouvernements de la sous-région dans le cadre de leur assistance aux réfugiés. D’autres propositions de la délégation de l’UNSAC visent des mesures liées à l’autonomisations des réfugiés, telles que l’augmentation les enveloppes allouées pour les activités génératrices de revenus, et la facilité d’accéder et d’utiliser des terres cultivables par les réfugiés, en proximité des sites.

Par ailleurs, compte tenu de l’importance cruciale des réfugiés pour la sécurité, la stabilité et la paix en Afrique centrale, la délégation propose, pour considération pendant la 54e réunion ministérielle de l’UNSAC, la consécration de l’UNSAC comme mécanisme de coordination de la sous-région dans l’encadrement des réfugiés. C’est du reste l’un des points notés lors des entretiens entre la délégation et le Secrétaire Général du Ministère des Relations Extérieures (MINREX) puis avec des représentants du Ministère de l'Administration Territoriale. Ces échanges, qui ont eu lieu à Yaoundé, ont en effet permis de mieux comprendre les différentes facettes de la question des réfugiés à l’Est du Cameroun, y compris les défis et les perspectives de retour volontaire dans les pays d’origine. A cet égard, la délégation a aussi apprécié la qualité des informations fournies par le HCR.

De manière générale, les données recueillies contribueront aux efforts de consolidation de la paix, de la sécurité et de la stabilité et permettront de poursuivre des réflexions sur la recherche des solutions durables aux déplacements des populations.